Rotterdam, biotope architectural

De la petite Amérique, den perfectionnistes et de cubes magiques
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Auteure

Claudia Müller

Claudia Müller a grandi à Schaffhouse ainsi qu’à Gênes, ville portuaire italienne, et réside actuellement à Amsterdam, la capitale néerlandaise. Elle apprécie les bons films, l’acteur italien Marcello Mastroianni, la Dolce Vita et les délicieuses focaccia – au sujet desquelles elle a même suivi un cours en Italie. Elle a longtemps travaillé pour les éditions Ringier ainsi que pour la version en ligne du magazine «Schweizer Familie»

Je ne comprends pas pourquoi la deuxième plus grande ville des Pays-Bas doit se battre pour les touristes. Un vent de renouveau souffle ici. Après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, la ville s’est redressée. Entre-temps, cet endroit rude s’est transformé en un gigantesque pot-pourri digne d’être découvert.

« C’est comme une immense sculpture abstraite », explique l’architecte Jeffrey Bolhuis (34 ans) à propos du complexe immobilier de 150 mètres de haut de Rem Koolhaas. Le vent me balaye presque du pont lorsque je veux contempler « de Rotterdam » de plus près. Je trouve ces gratte-ciel, qui ne veulent pas vraiment s’emboîter, grandioses. « On dirait ce classique de l’ordinateur, Tetris », dis-je, et je fonce vers le bout du pont.

L’Amérique est dans l’air

New York a toujours fasciné l’architecte star néerlandais Rem Koolhaas. Dans la deuxième plus grande ville des Pays-Bas, il a maintenant ajouté « de Rotterdam » à la ligne d’horizon. Pour les experts en architecture, ce n’est peut-être pas nouveau. Pour moi, de tels gratte-ciel surdimensionnés sont fascinants. Parce qu’ils témoignent d’espace que nous n’avons pas dans les villes suisses. Et si le vent ne vous coupe pas justement le souffle, l’odeur de la liberté est dans l’air.

Kop van Zuid — mini Manhattan

Ces dernières années, l’ancienne zone portuaire autour de Kop van Zuid s’est transformée en un mini Manhattan. L’hôtel New York est situé sur la pointe Wilhelminapier avec vue sur la Nouvelle Meuse et le centre-ville. « Le salon de Rotterdam », dit Bolhuis, « tout le monde se sent à l’aise ici, même si on ne le croirait pas de l’extérieur. » L’élégant bâtiment Art Nouveau, qui se trouve à côté de l’immeuble moderniste « Montevideo » de Mecanoo, est un charmant petit vestige d’une autre époque. À l’intérieur de l’hôtel, des photos, des accessoires et des livres témoignent de l’époque où les immigrants quittèrent Rotterdam par bateau pour commencer une nouvelle vie en Amérique. C’est l’endroit idéal pour siroter un chocolat chaud et de rêver du pays de la liberté illimitée.

Katendrecht — mini Brooklyn

« Heaven » se dresse sur un ancien hall à conteneurs, où se tient aujourd’hui un marché ;  « Walhalla », le nom du théâtre à proximité. Ce qui était jadis miteux et inutilisé est maintenant transformé et se présente dans le chic industriel branché. « Jordy’s Bakery » est écrit en grandes lettres néon, les gens font la queue pour y acheter du pain frais. Nous venons d’atterrir, non loin du mini Manhattan, au mini Brooklyn. Le SS Rotterdam, qui a voyagé à New York pendant quarante ans, est juste un peu plus loin. Un vent violent souffle toujours sur le pont. En ce moment, je ne voudrais rien de tel que de prendre le bateau, comme à l’époque où New York s’appelait encore Niew Amsterdam. « Allez, viens, il fait vachement froid ! » crie une voix. Quelques minutes plus tard, nous fonçons de retour au centre-ville en bateau-taxi.

Koolhaas, le perfectionniste

Le soleil est bas, brille de temps en temps, et baigne la silhouette de Rotterdam d’une lumière dorée. Doré fait également partie de la vue extérieure de la célèbre Kunsthal (« salle d’art ») de Rem Koolhaas. Il était scénariste avant sa carrière d’architecte. « Aussi obsédé par le détail qu’il est, je dirais que Koolhaas est le Stanley Kubrick des architectes », dit Bolhuis avec des yeux pétillants lorsque nous nous dirigeons vers la Kunsthal. « Chaque section vers l’entrée est divisée en scènes, comme dans un film », dit-il avec enthousiasme, se frottant les mains à l’air froid. En fait, c’est comme si nous passions d’une scène de cinéma à une autre. Un parc avec des arbres alignés est suivi d’une ligne de démarcation nette. Un énorme code-barres apparaît sur le sol, alignant les drapeaux de l’UE. Coupez, et on se retrouve dans un jardin anglais. Pour finir, nous franchissons un pont qui nous mène à la Kunsthal. De l’autre côté de ce bâtiment non conventionnel se trouve une grande rue. Je regarde en arrière et je constate comment la vue dorée de l’extérieur du bâtiment brille au milieu de la désolation de l’environnement. Ici une galerie d’art innovante, là des bâtiments résidentiels gris des années 80 - Rotterdam est un gigantesque pot-pourri.

La ville détruite

« C’est comme un collage architectural », dit Bolhuis alors que nous sommes à la Blaak Station. Ici, l’église St. Laurenskirche datant du Moyen Âge, en face d’elle une avenue commerciale moderne. À côté des cubes appartements de Piet Blom, « Het Potlood » (crayon en français) surgit du sol. Avec ses tuyaux orange frappants, la bibliothèque dans le style du Centre Pompidou de Paris ressemble plutôt à une raffinerie. À côté du marché traditionnel se trouve la nouvelle et imposante halle de marché, qui vous emmène dans un monde artificiel où les fleurs et les abeilles ornent le plafond. Là où, après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, il n’y avait plus que l’église, les architectes se sont affirmés au cours des dernières décennies. Avec des bâtiments gigantesques, ils se surpassent à la recherche d’un nouveau symbole. La sculpture en bronze « La ville détruite » de l’artiste biélorusse-français Zadkine ne fait que 6,5 mètres de haut. Aussi petite soit-elle, son expressivité surpasse de loin celle des gratte-ciel. Cela ne dérange même pas qu’elle soit entourée d’autres bâtiments et un peu cachée. Au contraire, car enfin le vent s’est calmé.

Photos : iStock, Sven Driesen